Vous vous coucherez moins bête

Parce que ça va parler d’animaux ! « Bête », pigé ? Hahahaha ! Bref.

J’aimerais aujourd’hui parler de ce que l’on appelle le spécisme. Et du coup, je vais le faire, parce que c’est mon blog.

Ce n’est pas un terme que l’on croise souvent si l’on ne s’intéresse pas à la cause animale. Pourtant, c’est très simple. Le spécisme est aux espèces ce que le sexisme est aux genres ou le racisme aux origines ethniques (pour info, on dit encore race en anglais).

En substance, c’est considérer que les individus non-humains comptent pour moins que les individus humains.

Je sais, vous avez peut-être souri en lisant « individus non-humains », parce qu’est ancrée en nous l’idée que les animaux ne sont pas des individus, mais des marchandises, des biens. Cette conviction « naturelle » – qui est en fait culturelle – est justement un des avatars du spécisme. De la même manière qu’on a longtemps considéré (ou considère toujours) comme naturel que les femmes ne puissent pas voter, travailler ou faire du vélo, parce qu’elles sont des femmes, on considère comme naturel de manger les animaux parce que ce sont des animaux.

Et non, je viens pas de traiter vos mères de truies.

Les antispécistes sont opposés à cette idée (mais l’étymologie vous aura aidés à la comprendre) et refusent d’adopter le critère de l’espèce comme déterminant en soi pour séparer « l’homme » de « l’animal » et considérer le deuxième comme quantité négligeable.

Qu’est-ce que cela revient à dire ?

Que le même principe encadrant les discriminations envers les femmes, les Polonais, les lusophones, les musulmans, les roux ou les handicapés doit s’appliquer pour les animaux : une discrimination n’est possible que si elle est justifiée.

Il est justifié d’empêcher à un lusophone ne parlant pas français de devenir prof de français, parce qu’il ne connaît pas cette langue. Il est justifié que l’église catholique empêche un musulman de devenir prêtre catholique, parce qu’il n’est pas catholique. Il est justifié de ne pas ouvrir un casting pour le rôle de JFK à une femme noire, parce qu’elle n’est pas un homme blanc. Il est justifié de ne pas donner le droit de vote à une vache ou un dindon, parce que ni l’un ni l’autre, a priori, ne lisent le Figaro ou Libé pour se faire une opinion éclairée sur l’ensemble des paramètres politico-économiques idoines.

Tous ces éléments sont des critères objectifs qui justifient une entrave à un « droit » ou une possibilité. Je prends des pincettes avec le terme de droit et je reviendrai sur cette notion contestée, mais pour le moment ça simplifie.

Il n’est pas justifié de broyer un lusophone, parce qu’il souffre. Il n’est pas justifié de broyer un musulman, parce qu’il souffre. Il n’est pas justifié de broyer une femme noire, parce qu’elle souffre. Il n’est pas justifié de broyer une vache ou un dindon, parce qu’ils souffrent.

Un cochon ne devrait certes pas avoir le droit de s’inscrire à l’université, mais il devrait avoir le droit de vivre, et celui qu’on lui foute la paix.

Le problème est que les animaux non-humains, comme les esclaves, sont considérés comme exclus de la société des hommes et ont donc les « droits » que les hommes veulent bien leur donner, sans aucune garantie. Les animaux sont des êtres « sensibles ». Cela ne veut pas dire qu’ils chialent en regardant Toy Story 3 ou Love Actually, mais qu’ils ressentent la douleur et certaines émotions.

Si l’on a fini par abolir l’esclavage, après des siècles passés à considérer que ça allait de soi, c’est notamment parce que les esclaves pouvaient parler, se rebeller, se soulever contre l’oppression. Le jour où les oies manifesteront pour qu’on arrête de les gaver n’est pas encore arrivé. Cela ne rend pas la chose plus juste pour autant.

C’est aussi l’influence de l’Humanisme, qui, malgré tous ses effets bénéfiques, a joué un grand rôle dans le complexe de supériorité de l’homme. Que tous les hommes soient égaux, certes. Que cela ait pour conséquence d’opposer l’humanité et tout le reste, bof.

Le fait que les animaux souffrent, ça, tout le monde est d’accord. En revanche, là où le spécisme revient à la charge, c’est que cette souffrance n’est aucunement prise en considération et n’interdit pas de les tuer ou de les exploiter. Pourquoi ?

  • « Parce que ce sont des animaux » (merci),
  • « Parce que les animaux n’ont pas l’intelligence de l’homme » (mais il est question ici de souffrance/conscience, pas de passer un test de QI ou de choisir un parti politique),
  • « Parce que c’est naturel » (pas nécessairement d’accord, et même si c’était le cas, ce qui est naturel est-il forcément justifié ?),
  • « Parce qu’on a toujours fait comme ça » (haaaaaaa l’argument de la tradition qui permet de couper court à toute évolution).

D’un point de vue antispéciste, l’homme, dans nos sociétés industrielles, n’a pas à faire souffrir les animaux, parce qu’il peut faire autrement. D’un point de vue objectif (l’homme peut survivre et vivre sans manger d’animaux car de nombreuses alternatives existent) et subjectif (l’homme, à la différence d’un lion, a le libre-arbitre nécessaire pour pouvoir faire le choix de ne pas manger d’animaux), on peut s’en passer, alors pourquoi ne le fait-on pas ?

Quant au mois de mars, je le dis sans aucune arrière-pensée politique, ça m’étonnerait qu’il passe l’hiver.

4 réflexions sur “Vous vous coucherez moins bête”

  1. Encore un article intéressant. Mais pour moi ta conclusion est paradoxale car tu finis justement par dire que l’homme lui est différent des animaux puisqu’il a un libre-arbitre et le choix de faire autrement : c’est pas un bon argument spéciste, ça ? Dans une logique anti-spéciste, c’est un peu injuste que les animaux aient le droit de se bouffer et de se faire souffrir les uns les autres et que l’homme soit privé de le faire, non ?
    C’est un peu ce qui me gêne à la base des principes végétaliens. Je comprends que l’industrialisation de l’alimentation ne soit pas éthique, mais sur le fond je ne comprends pas pourquoi l’homme serait exclu de la chaîne alimentaire alors que depuis la nuit des temps les espèces se nourrissent des autres. A fortiori quand il n’y a pas de souffrance. Du coup, question personnelle : si tu élevais une poule, est-ce que tu mangerais ses oeufs ?

    1. L’être humain et les autres animaux ont des différences, bien évidemment, comme une femme et un homme ou un blanc et un noir. Ce n’est pas paradoxal. Ce que j’essaye d’expliquer, c’est que ces différences ne sont pas toujours légitimes pour ce qu’elles servent à justifier.

      L’homme est, on peut le supposer, le plus intelligent des animaux (d’après nos critères). Cela explique qu’il puisse légitimement bénéficier de certains droits utilisant cette intelligence : travailler, voter, en bref une bonne partie de ce que l’on qualifie de société. De la même manière qu’on ne peut pas attendre d’une femme noire qu’elle joue le rôle de Jules César, on ne peut pas attendre d’un lama qu’il conduise une voiture en respectant les priorités.

      Mais il n’y a à mon sens aucun rapport entre le manque d’intelligence des animaux et le fait qu’on puisse les exploiter et les faire souffrir. Ce qui est en cause ici, ce n’est pas l’intellect, mais ni plus ni moins que le système nerveux. Les animaux souffrent exactement comme les humains, peu importe qu’ils soient cons comme des balais. Ou des poneys. Alors pourquoi considère t-on comme normal de tuer l’un et pas l’autre ? Aucun des critères propres à l’humain ne peut expliquer ça, selon moi.

      Quant à la chaîne alimentaire, il s’agit d’une description scientifique (correcte ou pas, on s’en fiche à la limite), pas d’une prescription ou d’une règle de vie. L’éthique n’a rien à faire là-dedans : vouloir aligner son comportement alimentaire sur la description de ce comportement alimentaire est à mon avis un non-sens. C’est le serpent qui se mord la queue, en quelque sorte. Quel coquin.

      L’homme industrialisé peut ne pas manger d’animaux. Il peut ne pas correspondre au schéma de la chaîne alimentaire, à la différence des autres animaux. Ce libre-arbitre doit être d’après moi utilisé « pour le bien », ou en tout cas sans « faire le mal ». Comme disait Oncle Ben à Peter Parker dans Spiderman : « un grand pouvoir implique de grandes responsabilités ». C’est pas parce qu’un homme est plus fort physiquement que sa femme qu’il peut la tabasser, et c’est pas parce que l’être humain est plus intelligent que le veau qu’il peut le bouffer.

      En outre, il y a presque nécessairement de la souffrance. Sauf à considérer la mort ultra-rapide d’un animal orphelin ne connaissant personne d’autre, on est nécessairement dans une procédure génératrice de souffrance. Et encore, la mort ultra-rapide d’un humain orphelin ne connaissant personne d’autre est-elle justifiée parce qu’elle ne cause pas de souffrance ? C’est pour moi exactement la même chose.

      Enfin, pour ta dernière question, j’en parlais lors de mon deuxième article. Si j’élevais une poule (et bon nombre de végan extrémistes me tabasseraient pour simplement avoir parlé d’élever une poule), je ne verrais je pense pas de problèmes à manger ses œufs non fécondés. Notamment parce que nous serions dans l’un des 0,01% de cas où il n’y a pas de souffrance pour qui que ce soit.

  2. « pourquoi l’homme serait exclu de la chaîne alimentaire alors que depuis la nuit des temps les espèces se nourrissent des autres. »
    Là encore, évolution. C’est là où je pense qu’on peut se montrer supérieur (nous les humains). Parce qu’on peut le faire. On peut changer. Et parce qu’on évite de la souffrance. Pour moi la souffrance, c’est pire que le mort hein.

    Alors dans la nature (mère nature toussa), y’a beaucoup de souffrance c’est vrai. Le nouveau papa lion qui arrive dans son nouveau harem et qui dévore les autres lionceaux, les serpents qui étouffent ou écrasent leurs proies, les orques (pas ceux de lotr) qui jouent avec les phoques ou encore le chat qui joue avec la sourie. Bah nous, on a le pouvoir de changer ça. On peut faire différemment. On ne va pas encore se servir de silex pour allumer notre feu. On a le briquet maintenant. Bah pareil pour l’alimentation, on peut évoluer.

    1. Bien d’accord ! Tiens, à cause de toi j’ai une image de deux orcs uruk-hai qui jouent au volley avec un phoque (le phoque fait le ballon).

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