Je n’ai rien contre Aymeric Caron, mis à part ce que je disais dans un autre post. Je suis même d’accord avec lui sur certaines autres choses ne regardant pas la question animale mais l’organisation politico-économique. Et puis je le connais bien, je l’avais vu de loin dans un resto un jour.
Mais j’ai un problème avec les causes dont la visibilité n’est assurée que par une seule personne ou un seul groupe. Le PS n’est pas la gauche, Daesh n’est pas l’islam, Mario n’est pas les jeux vidéos et Aymeric Caron n’est pas l’antispécisme. La chance qu’il a, c’est que c’est un personnage public, et qu’il a donc une tribune pour parler des idées qui l’intéressent. Et ça tombe probablement très bien pour nous, parce que ces idées portent en l’occurrence sur l’antispécisme et pas sur les chiffres de la bourse.
Et puis bon, il présente mieux que Brigitte Bardot V2016.
Bien évidemment, je suis enchanté de voir que depuis quelque temps, les sujets qui me tiennent à cœur sont évoqués dans les médias mainstream, parce que cela participe à les faire connaître. Mais quand une cause a un seul avocat (sans crevette, bien sûr), celui-ci a intérêt à faire impeccablement son travail, étant donné que beaucoup de gens jugent la cause en fonction de son défenseur. En outre, cet avocat (sans mayonnaise non plus) la défend d’après son point de vue, qui n’est pas nécessairement le bon, et certainement pas le seul. Les nutritionnistes fatigués de voir Jean-Michel Cohen dès qu’il s’agit de nutrition ou les juristes accablés d’entendre feu Guy Carcassonne dès qu’il s’agit de droit constitutionnel me comprendront : les médias font trop souvent appel aux mêmes personnes comme experts d’un domaine donné.
Or, c’est un peu jusque-là ce qui se passe avec Aymeric Caron. S’il avait inventé quelque chose, soit. Ce serait le chef de file de sa théorie révolutionnaire. Mais cela n’est pas le cas, et les médias pourraient justement laisser la parole à d’autres antispécistes, moins bankable, pour tout simplement avoir d’autres sons de cloche (en chocolat, mais noir s’il vous plaît, et puis commerce équitable, merci).
Car de la même façon que Jean-Michel Cohen n’a pas inventé la nutrition, Caron n’a pas inventé l’antispécisme (et il ne l’a d’ailleurs jamais prétendu). Que l’on parle de son livre, tant mieux pour lui. Mais j’entends ou lis par-ci par-là que c’est une « nouvelle théorie » ou « une nouvelle mode ». Non point (j’aime bien dire « non point »).
Les gens n’ont pas attendu Francione, Singer ou Caron pour penser l’antispécisme, le véganisme, l’animalisme et agir en conséquence. Ni même sans doute le jaïnisme (religion indienne dont les origines remonteraient au Xème siècle avant Jean-Claude), connue notamment pour son végétarisme et son respect des animaux. Des individus, des inconnus, en dehors de tout mouvement formellement établi, ont fait avancer la cause. Et ce, quel que soit le nom que l’on donne à leurs réflexions. Le libéralisme n’a pas eu besoin d’être théorisé pour que des gens soient libéraux « avant l’heure », et Chateaubriand n’a pas attendu l’établissement d’une école romantique pour être romantique.
On n’a pas besoin de chef de file, merci. On est très content comme ça. Nous voulons simplement que nos idées soient véhiculées, ce que permettent de manière différente Aymeric Caron, L214, Peter Singer, ou divers blogs, revues ou associations. Je ne mets pas nécessairement tous ces acteurs sur le même plan : certains apportent de l’eau au moulin, certains ne font que relayer des idées existantes, certains peuvent même desservir la cause.
Pour être clair, j’espère que les gens qui s’intéressent à la question ne feront pas que lire le livre d’Aymeric Caron, et iront plus loin. Lorsque je vois le nombre de « photos avec des citations de gens célèbres que l’on poste sur les réseaux sociaux » (chose que j’exècre presque autant que devoir mettre une couette dans une housse, Mussolini, ou le contact des bâtons en bois d’esquimaux sur ma langue) reprendre des citations d’Aymeric Caron, je ne sais trop quoi penser.
Est-ce bien, parce qu’on parle de l’antispécisme ? Est-ce mal parce que, nonobstant ce besoin que je ne comprendrai jamais de se rattacher à des arguments d’autorité pour ajuster ou résumer son éthique personnelle, cela donne à penser qu’il y a un chef de file ou un porte-parole de l’antispécisme en France ? J’ai tendance à pencher pour la première solution, parce que je suis un optimiste. Je pense que cela donne du grain à moudre (du quinoa sans doute) à des gens qui n’auraient jamais vraiment pensé à ces questions, et que la plupart d’entre eux sont suffisamment intelligents pour faire des recherches de leur côté sur l’antispécisme, maintenant qu’ils ont entendu le mot.
Ha, et un jour j’arrêterai de faire des blagues de niche dans mes titres. Cher lecteur, sais-tu à quoi je fais référence dans le titre de cet article ?
Mon bouchon, le jaïnisme est bien antérieur, on le fait généralement remonter au VIe siècle avant J-C. Les Bishnoïs sont arrivés plus tard, avec leurs arbres. C’était le point historico-religieux.
Oups, j’avais simplement oublié un « avant J.-C. »… Merci d’avoir repéré ça. Enfin, qu’est-ce que 20 siècles à l’échelle de la galaxie ? Hum. 😉
I ´ll be there for youuuuuuu
🙂
We have a winneeeeeeeeeeeeer!
Hello,
J’aime beaucoup ton blog que je viens de découvrir grâce à ton article sur super-Vegan. Tes positions sont assez proches des miennes, j’apprécie notamment beaucoup la tolérance à laquelle tu appelle.
Je n’ai pas lu le bouquin d’Aymeric Caron, et si j’apprécie l’auteur, je suis également d’accord sur le fait qu’il est dommage qu’il soit présenté comme chef de file, même si je me dis que, le mouvement étant nouveau dans l’esprit du grand public, une « personnalité » reconnaissable permet de s’ancrer dans l’esprit du grand public.
Toutefois, lorsque tu en parles, il semble que tu n’es pas d’accord avec lui sur certains points. Tu voudrais bien développer un peu lesquels? Je suis curieuse!
Merci !
Concernant Aymeric Caron, je l’apprécie aussi, globalement, ne serait-ce que parce qu’il est indiscutable qu’il a aidé, du fait de sa célébrité, à donner de la visibilité à ces questions. Et j’adorerais avoir sa barbe.
Cependant – et ce n’est peut-être qu’une image, je ne le connais pas personnellement – je le trouve assez prétentieux. Lors des débats et des discussions, il me donne souvent l’impression de s’écouter parler. Je trouve que le fait que sa photo soit sur TOUS SES LIVRES (non mais qui fait ça franchement ?) est assez symptomatique de cela.
Quant au fond, c’est surtout lorsqu’il s’enfonce un peu trop dans la deep ecology que je ne le suis plus. Quand il indique que la Terre, en tant qu’entité, est la Mère, que les espèces lui appartiennent… C’est un peu déifier (ou anthropomorphiser, ça dépend du point de vue) la planète. Pour moi, protéger la planète est important pour les espèces (pas seulement les humains) qui sont dessus, mais pas parce que c’est une entité Mère en tant que telle… Je n’appartiens à rien ni personne, toi non plus, et le pigeon que je vois au loin non plus.
Voilà, ce n’est pas mon seul point de désaccord, mais c’est un des principaux 😉
Et la curiosité est une très bonne qualité 😉