J’ai eu une (brève) altercation avec l’une de mes collègues hier.
Ma collègue raciste et réac.
Enfin, j’imagine qu’elle est raciste et réac, parce qu’elle s’est plainte en vrac des immigrés musulmans qui avaient le culot de prier dans des « salles de prière clandestines » (quoi que cela signifie), des femmes musulmanes et de leurs foulards parce que bordel on est en France ici haaaaa j’ai les yeux qui saignent transpercés par tant de différence avec ce que je connais haaaaa, et des manifestants qui saccageaient tout, faisaient du bruit et ne respectaient pas ces pauvres CRS qui ne font que leur travail. Parce que le fait d’être payé pour faire quelque chose rend nécessairement cette chose justifiable, voyez-vous, et que taper sur quelqu’un, on peut, quand c’est légal.
Mais bon, l’altercation ne portait pas là-dessus.
Elle m’a dit avoir pensé à moi l’autre jour car elle avait vu Aymeric Caron présenter son nouveau livre sur l’antispécisme dans une émission (Ruquier ?). Comme son jeu favori, dès qu’elle peut le faire, est de me provoquer pour me faire comprendre que je ne suis au fond qu’un sale hippie qui, imaginez-donc, ne mange pas d’animaux, elle a sauté sur l’occasion, rictus aux lèvres :
« Gnaaa gnaa gnaaa prrzzzz gnaa prszzzzz » (c’est à peu près comme cela qu’elle s’exprime).
Bien évidemment, je lui ai répondu, sachant que je naviguais en eaux troubles avec elle.
« Tout à fait, chère collègue. Je suis, moi aussi, antispéciste. En revanche, je n’apprécie pas nécessairement Aymeric Caron, notamment en raison de son pédantisme et de la manière qu’il a de défendre la cause. J’ai même peur que cela la desserve, vois-tu ».
« Prrzzzz gnnnnrgg gnnnn viande gnnnnne zzzrbbrbbzz », m’a-t-elle aussitôt objecté.
« Ce n’est pas tant une histoire de valeur de la vie d’un moustique par rapport à la valeur de la vie d’un être humain qu’une question de souffrance. Lorsque tu parles de valeur, tu emploies un terme fourre-tout qui peut avoir plusieurs acceptions. Et… »
« GNNNNN ?? ».
« Mmm ? Ha, une acception, c’est la signification particulière d’un mot suivant le contexte où il est employé. Non, ne me remercie pas, et tu as un peu de bave sur la commissure des lèvres. Voilà. Je disais donc que supposer qu’un moustique vaut plus ou autant qu’un humain, ça ne veut pas dire grand chose. Je formulerai ça autrement : à titre personnel, je ne me sens pas plus légitime de mettre fin à la vie d’un moustique qu’à celle d’un humain. Je pense que, suivant le contexte bien sûr, les deux sont potentiellement immoraux ».
Je lui ai donc parlé de souffrance animale, qui est pour moi le critère, et elle m’a bien sûr sorti le fameux cri de la carotte : « Et tu penses au cri de la carotte quand tu la coupes ? » (traduction Inugami).
Peut-être le connaissez-vous : le fameux argument-massue de la souffrance des végétaux. Comment en effet trouver problématique le fait de manger de la viande lorsque l’on ose trucider des courgettes et des carottes à l’envi ?
Il est bien évident que JAMAIS cet argument n’a été utilisé par qui que ce soit de manière naïve et bienveillante. C’est un troll bien connu dans le « milieu ». Son but ? Obtenir plus d’informations de la part de la personne d’en face ? Non. Enrichir sa culture générale en découvrant que le rutabaga ou le navet n’ont pas de système nerveux et ne souffrent donc pas ? Non. Proposer un système d’alimentation révolutionnaire où les humains n’auraient pas besoin de manger des végétaux pour survivre et pourraient se contenter de pierres et de sable ? Non.
Son but est de mettre le végétarien d’en face en porte-à-faux parce qu’au fond, on se rend bien compte que son mode de vie, qui remet le nôtre en question, est peut-être bien légitime. Cela ne fait aucunement avancer le débat. La personne utilisant ce procédé du cri de la carotte a le même objectif que celui qui va te sortir que tu as mangé un bout de fromage il y a une semaine alors que tu es censé être végétalien : montrer une « faiblesse » supposée de son interlocuteur. Comme si le fait que je sois un vegan imparfait remettait en cause le véganisme en tant que mode de vie.
C’est l’argument ad hominem de la réthorique anti-végé. Le point godwin du sophisme viandard.
Ha, je vous laisse, je vois un tofu sauvage qui essaye de se carapater.
La bonne réponse dans ce cas-là: « nan la carotte elle ne souffre pas, sauf quand tu te la fourres dans ton c… » 🙂 fonctionne avec les hommes comme avec les femmes. Je l’ai testé un certain nombre de fois, ça produit un effet de stupeur qui en général stoppe net le débat (qui de toute façon en était déjà arrivé au point de non-retour comme l’argument désespéré du « cri de la carotte » le montre).
Je ne peux que plussoyer ce commentaire, et renvoyer en outre à la version plus « rentre-dedans » du point carotte d’Insolente Veggie 😉
http://www.insolente-veggie.com/decernez-des-points-carotte/
Un ami avait proposé de monter une chorale de carottes. J’aime beaucoup cette idée.
Surtout que j’ai toujours rêvé d’entendre des carottes raper.
Honnêtement, je ne peux que m’incliner devant un tel jeu de mot. Magnifique.
Merci, merci 😉
Respect pour celui-là
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