Je suis content.
L’origine de cette satisfaction est due à deux choses. D’une part, j’ai découvert l’hexakosioihexekontahexaphobie, la peur du nombre 666. Cette découverte, conjuguée à celle de l’hippopotomonstrosesquipédaliophobie – la peur des mots trop longs – était en elle-même suffisante pour m’assurer un contentement de trois ou quatre jours (il m’en faut peu).
D’autre part, j’ai eu la confirmation que nous étions bien plus que 13 (désolé pour les triskaïdékaphobes) à vouloir la fermeture des abattoirs en France.
Non mais, vous vous rendez compte ? La marche pour la fermeture des abattoirs a réuni samedi dernier à Paris 2500 personnes. Sans parler des autres marches partout dans le monde. C’est beaucoup, pour une cause dont on n’entendait pour ainsi dire pas parler il y a quelques mois. Et je suis persuadé que la sensibilisation va progresser. On en parle partout dans les journaux : après la révolution des œillets, la révolution des roses et la révolution de jasmin, voilà la révolution des courgettes.
Oui, bon, bientôt.
Parmi les marcheurs, il y avait même très certainement des personnes qui ne se définissent pas comme vegan. Des végétariens, mais peut-être même des « mangeurs de viande » sympathisants de la cause mais qui n’ont pas le courage d’arrêter la viande, ou n’ont pas eu le « déclic ». La SPA (Société Protectrice des Animaux, pour les non-Français) avait notamment fait la promo de cet événement. Or, je ne pense pas que tous les possesseurs d’animaux de compagnie soient végétariens…
Merci à ces personnes, qui n’auraient peut-être pas participé à une marche « pour un monde vegan », ou « contre l’utilisation des animaux », ou encore « pour l’énucléation oculaire de tous les viandards ». Certains courants « radicaux » ont pu critiquer le côté spécifique de cette marche (« les abattoirs ? Et le reste, hein ? »), mais je reste convaincu qu’il faut, comme dans toutes les luttes, rester pragmatique. Quand on sera 2 milliards à se soucier des animaux, on pourra balancer du « libération totale » en veux-tu en voilà, prendre la Bastille (oui bah la place, d’accord) et lancer du tofu par les fenêtres, mais en attendant, il faut savoir se satisfaire des petites victoires. Et lorsque je vois une telle mobilisation, aussi sectorielle soit-elle, je passe avec un peu moins de peine devant le boucher de ma rue, me disant que ses jours sont comptés.
Naaaan, pas les jours du monsieur, ceux de sa boutique je veux dire. Souhaiter la mort d’un boucher, c’est pas très vegan non plus vous savez.
En tout cas, bientôt, nous ne serons plus des hipsters ou des bobos, en marge de la société. Nous faisons partie de la société, avec nos revendications et nos idées, qui font petit à petit florès. Cela m’arrive de moins en moins de devoir définir ce qu’est un « végétalien » : les gens font en général la différence à présent. Bon, on mange toujours tous bio et no-glu. Et j’ai bien vu récemment, sur une carte de restaurant, un sandwich au fromage qui s’appelait « le vegan », mais bon. Ça aussi, ça va passer.
Je trouve de plus en plus de steaks de soja, de simili-viande ou autres joyeusetés dans les rayons des grandes enseignes généralistes, et, miracle, ceux-ci sont mélangés avec les aliments pour gens « normaux ». Cela enrage certains, qui se plaignent de devoir voir de la barbaque en achetant leur nourriture. Je suis quant à moi très content parce que cela signifie qu’enfin, ce n’est plus nécessairement considéré comme un régime particulier, mais que même un viandard peut apprécier du seitan. Si, si.
Cela fait écho à une anecdote que j’ai vécue il y a quelques années, lorsque le serveur d’un restaurant de burgers nous présentait sa carte. « Alors vous avez le burger au bœuf, le burger au veau, le burger au poulet, et si vous êtes végétarien, vous avez le veggie burger là ». Cela m’avait perturbé, mais était symptomatique d’une certaine mentalité : il n’y avait que les végétariens pour manger des trucs végétariens. On ne pouvait pas apprécier un veggie burger si l’on mangeait de la viande par ailleurs.
Ce qui est complètement con. Un mangeur de viande mange aussi des légumes.
Imaginez qu’on vous présente des plats dans un restaurant : « alors vous avez le cassoulet, le croque-monsieur, et si vous êtes musulman, vous avez les spaghettis bolognaise là ». C’est aussi con.
Et bon nombre de restaurants, à Paris en tout cas, raisonnaient comme cela : on va quand même proposer un plat végétarien, parce que si un végétarien vient, il pourra manger quelque chose. Pas simplement parce que c’est bon, ou meilleur pour la santé, ou je ne sais quoi. Un plat normal exigeait de la viande ou du poisson. Quant aux plats vegétaliens, quand il y en avait, ils se résumaient souvent à une salade de crudités. En tout cas, on voyait bien que manger végé, c’était manger bizarrement.
Mais ça change ! Un peu. Petit à petit. Et je me réjouirai quand on n’aura plus de cartes avec les petits symboles (V verts ou je ne sais quoi) qui indiquent que tel ou tel plat est végé. C’est pratique, ça permet de trouver rapidement les plats que je « peux » manger, mais ça indique bien qu’on n’est pas encore tout à fait « normaux ». Il serait intéressant de voir si, pour un même plat « végétalien sans le savoir » (type spaghetti aglio e olio), l’apparition de ces petits symboles n’a pas eu un effet rebutant sur les omni. Du type « Ha, c’est pas pour moi, c’est pour les végétaliens ».
Certains restaurants, comme la Brasserie Lola par exemple (que je conseille de manière impartiale : je n’y ai aucun intérêt financier ni aucun ami), ont fait le choix de rester discrets sur le côté vegan. Pourtant, tous les plats de cette brasserie traditionnelle sont bien végétaliens. Et un endroit où l’on peut boire une bière pression en mangeant un kebab, c’est assez rare dans le Paris vegan, où l’on trouve plus souvent des limonades bio et des smoothies kale-dragonfruit-yuzu. Dans cette brasserie, il faut vraiment chercher pour voir écrit en tous petits caractères en haut de la carte que les plats sont végétaliens. Certains y entrent et mangent sans même le savoir.
Pour moi, c’est ça, l’avenir du veganisme dans les restaurants : ne pas avoir de label. Parce qu’un label exclut un peu malgré lui. Lorsqu’il indique qu’un tel plat est « adapté pour… », certaines personnes peuvent en être repoussées.
On aura gagné la bataille quand le mot vegan n’existera plus.
Effectivement, ça bouge petit à petit et ça fait plaisir 🙂
Au risque de choquer dans les chaumières, vive les étiquettes. Avec un grand MAIS : il faut inverser leur signification. Je m’explique. Je suis par nature totalement CONTRE la labélisation AB (BIO) car c’est une absurdité sans nom que de faire payer ceux qui ont des pratiques vertueuses. Il faudrait à l’inverse obliger les mauvais élèves à indiquer que tel ou tel fruit ou légume est produit avec des pesticides, sans respect pour la terre… car la labélisation BIO coûte de l’argent et malheureusement rapporte de l’argent aux mauvais élèves. De la même façon, il ne faudrait pas indiquer que tel ou tel plat est vegan, mais à l’inverse indiquer sur les autres : contient des morceaux d’êtres sensibles abattus dans des conditions atroces… de cette façon, on ne pointerait plus du doigt les horribles mangeurs de carottes que nous sommes, mais à l’inverse, on verrait qui sont les gentils massacreurs de bambie, panpan, babe, calimero…