On me demande souvent pourquoi je ne mange plus d’œufs (oui, j’ai des conversations passionnantes avec les gens).
Beaucoup de mes amis comprennent les raisons qui peuvent pousser quelqu’un à devenir végétarien. C’est vrai que même sans rien connaître des conditions d’élevage des animaux, la plupart des gens sont capables (oui, j’accorde au pluriel, et je fais ce que je veux) de voir que leur steak de marcassin (why not?) ou leur cuisse de poulet proviennent nécessairement du cadavre d’un animal, tué pour ça de surcroît.
Après, on peut y être sensible ou pas, ou encore se voiler la face en se disant qu’on doit manger de la viande parce qu’on a toujours fait comme ça ou parce que l’homme est un carnivore, t’as qu’à voir les dents humaines Marcel, on est pas fait pour bouffer des graines que diable. Toujours est-il que cette étape du végétarisme est plus compréhensible que le végétalisme pour les omnivores.
Après tout, quel mal y a t-il derrière un œuf ?
Je vais annoncer quelque chose qui pourrait me valoir d’être banni de certains forums végans de ma connaissance parce que c’est hautement transgressif (si, si) : si une poule vivait dans mon jardin et qu’elle pondait un œuf (non fécondé), je n’aurais a priori pas de problème éthique à le manger.
Seulement voilà, les œufs vendus dans le commerce ou utilisés dans les restaurants ne sont en général pas trouvés par hasard dans le jardin des cuisiniers ou des magasiniers de chez Auchan. Ils proviennent d’un élevage, industriel ou pas, mais avec l’exploitation animale que cela entraîne. Les œufs éclosent, quel que soit le mode d’élevage considéré, dans des couvoirs où mâles et femelles sont triés. Les mâles sont broyés ou gazés (parce qu’un garçon ça sert à rien et que ces poussins sont faits différemment de ceux qui donneront de la viande). On les met sur un tapis roulant, destination la grande machine avec des dents. Vous savez, comme dans les films, quand James Bond est ligoté sur le tapis roulant. En plus glauque.
Quid des jeunes demoiselles ? On leur coupe le bec. Souvent au laser, parce qu’on est en 2016, quand même. Et oui, ça fait mal. Pourquoi fait-on ça ? Parce que lorsqu’on entasse des poules dans d’immenses hangars, les unes sur les autres (une feuille A4 par poule), sans qu’elles puissent respirer correctement ou se dégourdir les ergots, qu’elles attrapent des maladies et qu’elles sont anémiées et mal nourries, elles ont tendance à devenir un peu fofolles et se piquer. Alors bon, elles l’ont bien cherché quand même.
Elles sont bien sûr élevées sans aucun contact avec leur mère, et au bout de 18 semaines, placées dans des élevage de ponte, et dans 70% des cas enfermées dans des cages. Je me permets aussi de rappeler que même dans le cas des élevages bio, plein air ou schmoldu, c’est pas la joie non plus.
Au bout d’un an, la poule est envoyée à la mort, après avoir pondu plusieurs centaines d’œufs pour le plaisir des humains dans des conditions atroces. Elle a un an et demi. La longévité d’une poule, que dis-je, d’une gallus gallus domesticus, est d’environ douze ans. Do the math.
Dans l’écrasante majorité des cas, on ne peut pas manger d’œufs dans nos sociétés industrielles sans que cela implique l’exploitation des animaux et leur souffrance. Manger une omelette ou un gâteau utilisant de l’œuf revient à s’inscrire dans cette logique. A mon avis, lorsque l’on est sensible à la souffrance animale, il faut également inclure cette dimension dans son éthique.
Quant au mois de mars, je le dis sans aucune arrière-pensée politique, ça m’étonnerait qu’il passe l’hiver.
« si une poule vivait dans mon jardin et qu’elle pondait un œuf (non fécondé), je n’aurais a priori pas de problème éthique à le manger. »
Tu as tout gâché 😀
Je sais 😉
En fait, je crois que c’est la seule situation où cela ne me poserait pas de problème. Le lait, c’est TOUJOURS, par essence, un problème. Même dans le cas d’une chèvre qui habiterait dans mon jardin aussi (putain j’ai un grand jardin tiens). Ceci dit :
– De toute façon, je ne vois pas comment une poule habiterait dans mon jardin sans mon intervention, et cette intervention serait sans doute éthiquement condamnable, j’imagine (sauf sauvetage, etc.)
– Je ne le mangerais sans doute pas parce que je n’en aurais pas besoin,
– Je suis toujours prêt à changer d’avis : c’est un point assez flou pour moi, pour le coup 🙂
J’ai réfléchi un peu à cette histoire de poule. Mais si même en ayant des poules dans son jardin (voire un grand comme le tiens), c’est « mal » de manger les oeufs, les poules n’ont même plus de raison d’exister. Je veux dire, ok, on ne les garde pas en captivité. Mais alors, les poules, dans la nature ?… J’ai l’impression qu’elles ne feraient pas long feu.
Du coup, pas dans la nature > donc captivité > en admettant pas de coq donc pas fécondes > donc oeufs > donc ?… miam ?
1) Z’ai un tout piti piti jardin moi 😉
2) La question de la captivité par rapport à la vie au grand air est en effet une problématique importante dans nos rapports avec les animaux non-humains. Je dois dire que j’ai tendance à penser qu’il peut être justifié d’intervenir pour protéger des animaux dans la nature, quitte à réduire leur liberté. Mais je risque de me faire taper par des gens, donc chuuuuut.
3) Les poules elles-mêmes consomment leur œufs, donc… pas miam ? En tout cas, pas miam pour tous les œufs. Je suis assez peu sensible à l’argument du « vol » qui est assez anthropocentrique, mais je comprends la logique derrière : elle utilise quelque chose, je ne pense pas avoir le droit de lui piquer. Mais c’est une question difficile 😉